Chronique

Le spécialiste et les émotifs

Avertissement : cette chronique ne parlera ni de P.K. Subban, ni de Max Pacioretty, ni de Carey Price. Enfin, presque pas.

On suit de très près – et c’est bien normal ! – l’évolution des joueurs-vedettes du Canadien. Mais on aborde moins souvent le rôle de certains joueurs de second plan qui, pourtant, sont des facteurs de changement importants pour cette équipe.

Dans cette catégorie, j’ai en tête trois attaquants : Pierre-Alexandre Parenteau, Lars Eller et Brendan Gallagher.

D’abord, Parenteau. On a encore pu constater, mardi dernier face aux Panthers, son efficacité en tirs de barrage, où il figure parmi les meilleurs de la ligue.

En plus d’être quatrième du circuit pour le nombre de buts en pareille situation, il est surtout bon premier sur le plan des buts décisifs : en effet, ses quatre réussites en fusillade ont toutes fait gagner le Canadien cette saison. Cet élément n’est pas banal : Jakob Silfverberg, par exemple, a réussi un filet de plus, mais aucun n’a été décisif.

C’est donc dire que n’eût été Parenteau, le Tricolore aurait possiblement quatre points de moins au classement. Une telle situation placerait l’équipe au troisième rang de sa division, un point derrière les Red Wings de Detroit et un point devant les Maple Leafs de Toronto.

Au cours de mon passage dans l’équipe olympique canadienne, j’ai réalisé que les joueurs les plus efficaces en fusillade sont majoritairement des droitiers, pour la simple et bonne raison que la plupart des gardiens de but attrapent de la gauche. À l’heure actuelle, les quatre meilleurs tireurs de la LNH en fusillade sont droitiers. Le meneur de la saison 2013-2014, T.J. Oshie, l’est aussi.

Ces joueurs ont donc une utilité certaine en fusillade, en plus d’être précieux en situation de double avantage numérique, moment où les entraîneurs veulent placer des joueurs tirant du côté opposé de part et d’autre du filet (un droitier à gauche, un gaucher à droite).

Parenteau a donc un rôle déterminant chez le Canadien, et ce, même s’il n’a pas marqué de but autrement qu’en fusillade depuis plus de 10 matchs. De fait, les tirs de barrage ont apporté une dimension très importante aux matchs de la LNH, et de tels spécialistes font gagner des points très précieux à leur équipe.

C’est d’ailleurs une raison pour laquelle je crois que la ligue devrait rayer le règlement de rotation obligatoire, qui interdit aux tireurs de s’exécuter à plus d’une reprise. Je trouve ridicule qu’on empêche les Penguins de Pittsburgh d’utiliser Malkin ou Crosby une deuxième fois, alors que les spectateurs ont payé chèrement leur billet pour les voir jouer.

On nous a vendu le concept de la fusillade en mettant l’accent sur la notion de sport-spectacle ; cependant, passé les six premiers attaquants et les deux premiers défenseurs, le niveau d’habileté et la qualité du spectacle diminuent. Il serait donc normal, comme c’est le cas au hockey international, de voir les meilleurs joueurs de chaque équipe tirer plus d’une fois.

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Chaque équipe de hockey contient son lot de joueurs qui amènent de l’émotion dans un match. Or cette émotion ne se manifeste pas que dans des mises en échec, des bagarres ou des buts cruciaux. On s’attardera plutôt à l’efficacité de leur jeu.

Deux joueurs du Canadien font particulièrement du bon boulot dans ce domaine. Je pense ici à Lars Eller et à Brendan Gallagher.

Eller a marqué huit buts depuis le début de la saison : cinq étaient des buts gagnants, et trois étaient le premier d’une période. C’est une donnée importante, car elle aide l’entraîneur à définir l’utilisation de ses hommes : par exemple, rarement Eller marquera-t-il au premier vingt, mais plus le match avance, plus il semble carburer aux situations difficiles. Il sera celui qui lancera son équipe en avance ou qui lui donnera du rythme. On le sait, les débuts de période sont des pivots au cours d’une rencontre, car chaque formation tente d’y imposer son tempo.

Gallagher, lui ? Trois de ses 11 filets étaient des buts gagnants, et on l’a vu marquer à sept reprises le premier but de la deuxième période. Il est donc clair qu’on fait appel à lui pour donner le ton passé la première période.

Il est tout de même particulier qu’aucun de ces deux joueurs n’ait marqué le premier but de la première période cette saison. En fait, avant la rencontre d’hier, les hommes de Michel Therrien n’avaient que 12 petits buts au premier vingt en 37 matchs, un rendement bon pour le dernier rang dans la ligue. Eller et Gallagher sont donc des catalyseurs, car ils apportent leur contribution en milieu de match, quand l’avantage doit basculer en faveur du Canadien.

PRICE L’OLYMPIEN

Il est ironique de conclure un texte sur des joueurs reconnus pour leur niveau d’émotion en parlant d’un autre au calme olympien. Mais le plateau des 400 matchs que Carey Price a atteint hier soir mérite qu’on s’y attarde.

La plupart des entraîneurs de gardiens de but estiment qu’un joueur évoluant à cette position doit disputer 300 rencontres chez les professionnels avant de montrer son plein potentiel. Je crois que Price a atteint ce plateau de maturité l’an dernier aux Jeux olympiques de Sotchi, dont il est revenu transformé. À preuve, en carrière, son pourcentage de victoires dépasse légèrement les ,550, mais cette saison seulement, il se situe au-delà des ,680.

Le Canadien est chanceux de compter sur un gardien de cette envergure, qui fait paraître l’équipe supérieure à ce qu’elle est vraiment.

J’entends d’ici les critiques, qui rappelleront que le gardien fait partie de l’équipe. C’est vrai. Mais ce gardien en particulier rend son équipe bien meilleure.

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